Amendes, contrôles, « name and shame » : les mesures du gouvernement contre le travail illégal

De nouveaux textes devraient s’ajouter au mille-feuilles des lois contre la fraude au travail détaché. La ministre du travail a annoncé les seize orientations du gouvernement qui alourdiront encore les sanctions en la matière. La septième ordonnance Macron devrait notamment relever le plafond des sanctions financières en cas de manquement aux droits des travailleurs détachés.

On en sait maintenant davantage sur la septième ordonnance annoncée par le gouvernement. Hier, à l’issue d’une réunion avec la Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) , la ministre du travail Muriel Pénicaud a présenté les orientations futures de sa politique en matière de lutte contre les détachements frauduleux de travailleurs. Certaines des mesures annoncées seront intégrées à la future « ordonnance sept », actuellement en discussion auprès des partenaires sociaux et du Conseil d’Etat en vue d’une présentation en Conseil des ministres le 7 mars 2018. Les autres propositions – qui n’entrent pas dans le champ de la loi d’habilitation – devront être intégrés à d’autres véhicules législatifs.

Des sanctions toujours plus dissuasives

Selon la ministre du travail, l’ordonnance sur le travail détaché mettra en œuvre au moins deux des seize mesures annoncées. Tout d’abord, les sanctions financières encourues pour manquement aux droits des travailleurs détachés (salaire minimum, droit au repos, durée maximale de travail…) seront renforcées. Les entreprises pourront être sanctionnées à hauteur de 3 000 euros par travailleur détaché, au lieu des 2 000 euros maximum que fixe aujourd’hui la loi Travail de 2016. En cas de récidive dans un délai de deux ans (contre un an aujourd’hui) à compter de la notification de la première amende, l’entreprise sera condamnée à 6 000 euros d’amende maximum (contre 4 000 aujourd’hui).

L’ordonnance ajoutera à ces sanctions renforcées une nouvelle menace pour les entreprises : en cas de non-paiement des amendes administratives notifiées, le Direccte pourra ordonner la suspension immédiate de la prestation de service en cours ou à venir. La suspension pourra être ordonnée dès la transmission de la déclaration préalable de détachement par une entreprise, dans le cas où cette dernière ne se sera pas acquittée du paiement d’une amende administrative lui ayant été notifiée à l’occasion d’un précédent détachement.

► Selon le ministère du travail, le taux de recouvrement des amendes administratives prononcées contre des entreprises étrangères détachant des travailleurs en France n’est que de 37,5% des amendes notifiées (chiffres 2016).

Une liste noire des fraudeurs

Toujours dans un objectif dissuasif, le ministère envisage de « généraliser la publicité des condamnations pour travail illégal« . Autrement dit, de rendre obligatoire la peine complémentaire de « name and shame » instaurée par la loi Savary du 10 juillet 2014. « Aujourd’hui, la justice a le droit de prononcer dans sa peine une publication de la condamnation, mais ça n’est pas automatique, rappelle la ministre du travail. Nous souhaitons rendre cette mesure systématique. »

Cette proposition devrait être mise en oeuvre dans le courant de l’année, précise Muriel Pénicaud. « Il faut encore trouver le véhicule législatif pour cette mesure. La publicité prendrait la forme d’une liste noire publiée sur les sites internet de tous les ministères concernés ».

De nouvelles possibilités de fermeture temporaire

D’autres mesures attendent dans les tiroirs de trouver la loi qui les mettra en oeuvre. C’est le cas notamment de l’extension des pouvoirs du préfet en matière de fermeture administrative temporaire de l’établissement. Aujourd’hui, lorsqu’une infraction de travail illégal est constatée, le préfet peut ordonner la fermeture de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction ou bien, dans le secteur du BTP, ordonner l’arrêt temporaire d’activité de l’entreprise sur le chantier où a été commise l’infraction (article L.8272-2 du code du travail).  « Ce dispositif est conçu pour fermer un établissement stable, mais il n’est pas adapté à lutter efficacement contre le travail illégal des prestataires extérieurs ou des entreprises d’intérim« , explique Muriel Pénicaud. Ainsi, des prestataires qui échappent aujourd’hui à la sanction de fermeture administrative pourront se voir sanctionner : entreprises des secteurs de la propreté et du gardiennage, mise à disposition de travailleurs détachés intérimaires dans l’agriculture, organisateurs de spectacle vivant…

D’autre part, le Direccte pourra prononcer la suspension temporaire d’une prestation de service internationale en cas de fraude à l’établissement, la poursuite illicite de la prestation par l’employeur serait passible d’une amende administrative d’au plus 10 000 euros par salarié.

Des moyens de contrôle accrus

En 2018, les agents de contrôle chargés de la lutte contre le travail illégal auront accès aux « fichiers essentiels » leur permettant de mener à bien leur mission, affirme le gouvernement. En particulier, ils obtiendront un droit d’accès aux principales données de la déclaration sociale nominative (DSN). L’accès aux déclarations sociales étant aujourd’hui possible uniquement par demande écrite préalable auprès des organismes concernés.

La ministre annonce également un renforcement, en 2018, de l’action des comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), qui regroupent l’ensemble des organismes de contrôle (inspection du travail, gendarmerie, police, service fiscaux, douanes, Urssaf…). « Aujourd’hui, il y a 30% de contrôles conjoints. Or, un fraudeur fraude généralement dans plusieurs domaines, c’est pourquoi ces contrôles doivent être développés. 50% de contrôles conjoints devraient être menés dans les secteurs prioritaires [BTP, agriculture, transports et hôtellerie-restauration]. »